Baloji : le pouvoir de la narration

Baloji : le pouvoir de la narration

Categorie: Interviews
Date de publication:
Omen (c) Baloji

Baloji est un artiste aux multiples facettes, dont l’œuvre sublime et attachante défie les catégories. Metteur en scène, rappeur, designer et scénographe, ce Belge né à Lubumbashi se plaît à remettre en question le patriarcat occidental, ainsi que les idées préconçues sur la culture et l’identité africaines. Il considère également la mode, et le costume dans son ensemble, comme de formidables passerelles vers la narration.

Son film « Omen », qu’il a écrit et réalisé lui-même, a été acclamé par la critique, a remporté le « Prix de la nouvelle voix » à Cannes en 2023 et a représenté la Belgique aux Oscars cette année. « Omen » subvertit l’idée d’un film typique de retour au bercail, en utilisant des éléments inhérents au réalisme magique. Baloji a fait une tournée mondiale avec le film cette année et prévoit déjà d’en réaliser un autre.

Participez-vous actuellement à plusieurs festivals afin de promouvoir le film ?

Oui. En avril, le film est sorti dans six pays, à savoir l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Les spectateurs de différentes cultures réagissent-ils de la même manière à certaines scènes ?

Force est de constater que les réactions sont très différentes selon le public. Certaines cultures semblent plus à l’aise avec les récits linéaires, tandis que d’autres apprécient un scénario plus déconstruit, influencé par le réalisme magique.

Omen (c) Baloji
Il me semble que vous aimez repousser les limites en tant qu’artiste. Vous avez souvent évoqué votre nom dans les interviews et ses connotations négatives. Essayez-vous également de remettre en cause cette identité dans votre travail ?

Je pense que si j’en avais eu la possibilité, j’aurais changé de nom. J’ai voulu me débarrasser de mon prénom à l’âge de 18 ans, mais cela coûtait trop cher. Lorsque je me suis retrouvé à enregistrer mon premier album solo, j’ai réalisé que je n’avais pas vraiment le choix et que je devais accepter mon nom. Au cours des dix dernières années, j’ai également compris que l’on ne peut pas vraiment échapper à son environnement et que le nom a un impact colossal sur l’identité.

Voyez-vous cet impact de manière positive ?

Ce n’est pas à moi de le dire, mais il est vrai que mon travail traite des rêves, des forces mystiques et de tout ce qui a trait à la magie. J’ai décidé d’embrasser tous ces aspects.

Utilisez-vous la narration pour exposer des vérités qui pourraient être difficiles à dévoiler dans un cadre non créatif ?

Tout à fait. Le cinéma me permet d’aborder des questions sociétales essentielles d’une manière qui n’est pas naturaliste, ce qui est important pour moi. Cela me donne plus de liberté pour aborder ces questions d’une manière qui reste inspirante. Dans le monde du cinéma, j’ai également rencontré un médium, ce qui me permet d’utiliser certains de mes différents talents et capacités. Le nom Baloji désigne un groupe de sorciers, qui ont tous des compétences différentes. Mon nom est la combinaison -et la fusion- de plusieurs sciences. J’ai quitté l’école à 14 ans et je me sens libre depuis. Je n’ai même pas de date de naissance officielle.

L’identité est-elle un thème récurrent dans votre œuvre ?

Pas du tout. Je ne pense pas que l’identité puisse être synthétisée de cette manière, ni même résumée par un seul fil conducteur. Il n’y a pas une seule façon d’aborder l’identité et je ne pense pas non plus que l’on puisse la cerner.

Omen (c) Baloji
L’artiste est-il aussi une sorte de sorcier ? Comment voyez-vous son rôle dans la société ?

Je pense qu’il y a de multiples façons d’être un artiste aujourd’hui. Certains sont des artisans ou des techniciens. D’autres recherchent la célébrité. Je pense que la fonction de l’art dépend principalement du lieu où il est produit. Il existe aujourd’hui plusieurs artistes africains dont l’objectif principal est de signer avec de grandes galeries et donc d’obéir à un état d’esprit commercial. Leur message est-il toujours d’actualité ?

Exhibition at MoMu (c) Baloji
Vous avez présenté une belle exposition au MoMu, qui se poursuit jusqu’au 16 juin, intitulée « Baloji Augurism ». Qu’avez-vous appris sur la conservation ?

Travailler avec Kaat Debo a été fantastique et j’ai appris beaucoup de choses, notamment en matière d’archivage. Les archives sont pratiquement inexistantes dans la culture hip-hop. Ce qui est formidable, c’est que l’exposition sera bientôt présentée dans un nouveau musée, ce qui me réjouit beaucoup. J’ai également sorti un album en même temps que le film, que j’ai baptisé « Omen ».

Exhibition at MoMu (c) Baloji
Qu’est-ce qui vous a donné le plus de satisfaction dans « Omen » ? S’agit-il du processus ou du résultat final ?

C’est certainement le résultat qui me procure la plus grande joie. Seul le résultat compte dans ce sens. En même temps, le rôle clé d’un réalisateur est de donner cette impulsion initiale sur le plateau. Je n’ai jamais été le patron d’une entreprise au cours de ma vie, mais je pense maintenant pouvoir comprendre ce que ce rôle implique vraiment.

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