Architecte d’intérieur, designer d’objets, scénographe… A 41 ans, le bruxellois fait coexister plusieurs métiers au sein du studio qu’il a fondé, il y a 15 ans tout juste. Une approche plurielle qui s’inscrit dans sa vision du design et qui lui a valu sa première expo solo au CID, à Hornu.
Comment est née cette volonté innée d’être à ce point multitâches ?
Par un concours de circonstances. Je suis diplômé en architecture d’intérieur, mais ma vraie grande passion, c’est le design d’objets. C’est par là que j’ai démarré ma carrière. J’ai créé mon studio en 2004, après avoir passé deux ans aux côtés de Xavier Lust. L’architecture est revenue dans ma vie bien plus tard, il y a environ deux ans. Quant au volet scénographie, il est en lien direct avec La Fabrika, le magasin de mobilier de ma compagne Kelly Claessens. C’est en organisant une exposition sur les couteaux pour le magasin que j’en suis arrivé à signer mon premier projet en tant que scénographe.
On peut donc dire que tous vos projets s’imbriquent ?
C’est souvent le cas, oui. Cette exposition a donné envie au centre culturel finnois de nous confier la curation d’une exposition. Et ainsi de suite… Il en va de même pour tous mes projets. Si, comme ça m’est arrivé lors de l’aménagement d’une habitation privée, je ne trouve pas les poignées qui me conviennent pour des armoires de cuisine, je les dessine. On en revient au design d’objets.
Quand on démarre sa carrière aux côtés de Xavier Lust, faut-il du temps, lorsqu’on lance son propre studio, pour trouver ses marques ?
J’ai été stagiaire dans son studio alors que j’étais encore étudiant. Au final, j’y suis resté deux ans. Xavier Lust et moi avons le même parcours. Comme moi, il est architecte d’intérieur. Sa réussite dans le design d’objets m’a ouvert de nouvelles perspectives. En collaborant avec lui, j’ai pu rencontrer des éditeurs et comprendre comment fonctionnait ce marché de l’édition.
Apprendre, c’est le fil rouge de votre travail, non ?
Je m’ennuie vite. J’ai besoin d’apprendre en permanence. Lorsque je démarre un nouveau projet, je me rends systématiquement sur les sites de production pour comprendre comment les ouvriers et les artisans travaillent. Pour pouvoir créer la structure rigide de ma chaise Donald, une pièce composée de tubes en acier interconnectés, j’ai effectué de nombreux tests chez un ferronnier. Ce n’est pas tant la matière qui m’intéresse en tant que telle, mais bien les procédés de fabrication induits par cette matière. Lorsque je passe du temps à La Fabrika, j’observe comment le mobilier arrive, s’il est monté ou démonté, ainsi que les modes d’emballage. C’est très riche en enseignement. Pour l’exposition du CID au Grand Hornu, j’ai produit une collection d’accessoires au centre Keramis (un espace d’art et de création installé sur le site de l’ancienne faïencerie Royal Boch à La Louvière). Ce projet m’a permis d’aller voir dans les ateliers comment se passe la production. Mon questionnement perpétuel guide mon travail. Je suis quelqu’un qui doute beaucoup.
Cette exposition solo que vous consacre le CID n’a-t-elle pas, justement, apaisé vos doutes ?
C’est une reconnaissance de mon travail, mais j’ai tout de même beaucoup douté lors de son élaboration. Je pense que j’ai repensé au moins dix fois la scénographie…
Ce doute, c’est celui d’un artiste, non ?
Je ne me considère pas comme tel. La seule chose qui me rapproche de l’artiste, c’est ma sensibilité, celle qui guide mes projets. Dans mon travail, l’esthétique ne prime en tous cas jamais sur la matière et la fonctionnalité.
Vous vous apprêtez à signer la scénographie du stand rassemblant les designers soutenus par WBDM au salon de Milan. Y verra-t-on des similitudes au niveau scénographique avec votre exposition au CID ?
Dans mon travail de scénographe, je tiens compte de l’aspect éphémère des installations. Aujourd’hui, on ne peut plus concevoir un stand sans penser économie de matériaux et recyclage. Je m’efforce d’éviter le jetable. Lorsque c’est possible, je conserve les structures apparentes. Ce qui ne nécessite pas d’être caché reste visible. Cette approche m’a permis de créer un nouveau langage qui m’est propre. C’est plus qu’une quête d’économie. C’est une philosophie.
Vous vivez à Bruxelles. Cet ancrage est-il important pour vous ?
Au début de ma carrière, je croyais qu’il faisait partie intégrante de mon identité. Aujourd’hui, même si j’aime l’effervescence créative qui règne à Bruxelles, je réalise que les influences circulent et que les idées sont partout. Je remarque toutefois que la Belgique investit, plus que d’autres pays, dans les nouveaux talents par le biais d’outils et d’aides à la création. C’est moins le cas en France, par exemple. Pour ma part, j’ai besoin de collaborer avec des ateliers dans d’autres régions du pays et en France. Le fait de ne pas se cantonner à un seul lieu ou à un seul type de projets me permet de respirer et de me libérer l’esprit. Dans mon métier, il ne faut jamais rien exclure. Pourquoi se dire qu’on ne travaillera jamais le plastique alors qu’un objet créé dans ce matériau, à condition d’être démontable et facilement recyclable, a toute sa raison d’être ?