Organisée le 10 juin dernier dans le cadre du New European Bauhaus, l’équivalent créatif du Green Deal, cette conférence organisée à l’initiative de BEDA (le Bureau des Associations Européennes du Design) au MAD Brussels en partenariat avec différentes structures et organisations dont WBDM était l’occasion de dresser les contours d’un avenir plus durable. Au-delà des enjeux évidents que cette thématique renferme, ce rendez-vous qui rassemblait des intervenants aux profils divers a permis de mieux comprendre la manière dont les institutions politiques, mais aussi les industries créatives préparent le futur par le biais du design.
Envisagé comme un projet culturel à part entière visant à donner un sens esthétique à la vision d’un avenir durable, le Nouveau Bauhaus européen doit, s’il veut rencontrer les besoins et les attentes des citoyens, dépasser le stade de l’idée. Orchestrée par le très charismatique Lucas de Man, un homme aux multiples casquettes, dont celle d’ambassadeur de la Design Week au Pays-Bas, la conférence était précédée par la projection de The Object Becomes d’Alexandre Humbert. Un choix d’autant plus judicieux que l’esthétique pure, racée et très cinématographique de ce film au message fort produit par Belgium is Design résonnait comme une introduction, mais aussi comme une synthèse avant l’heure de la petite dizaine d’interventions qui allaient suivre tout au long de l’après-midi.
Revaloriser le processus de fabrication des objets. Remettre les métiers au cœur des préoccupations des designers et du public. Encourager une meilleure compréhension de l’objet en tant que bien précieux à valoriser. Développer l’enseignement et la formation en accord avec les valeurs inhérentes à la construction d’un monde durable. Pendant ces deux heures de rencontres et d’échanges, Lucas de Man, ainsi que les autres participants à la conférence, sont revenus à maintes reprises sur l’idée de création d’un nouveau système de valeurs en se posant une et une seule question : « qu’est ce qui est vraiment important ? » D’emblée, le ton était donné. Ce qui est important et intrinsèquement lié à la notion de changement, c’est la quête d’une beauté, certes subjective, mais suffisamment inspirante pour devenir un moteur de transition.
Dans le cadre de cette réflexion à l’échelle européenne sur les lieux de vie, mais aussi sur le rôle de l’architecture et du design dans la construction du monde de demain, il est essentiel, comme l’a rappelé Aurélie Champagne, conseillère culturelle au sein de la représentation française auprès de l’Union Européenne, d’associer le public à cette réflexion, mais aussi de désectorialiser le débat. Cette notion d’interdisciplinarité est passée en boucle tout au long de l’après-midi. Comme une évidence renforcée par l’urgence. Celle de faire se rencontrer les scientifiques et les designers. Pour l’agence française Big Bang Project, cette volonté est déjà une réalité. Guillian Graves, son fondateur, a expliqué comment il réinvente les outils et les méthodes du design en s’inspirant de la nature. Repenser les activités humaines en observant comment le vivant s’est adapté aux changements : un challenge facilité par la mise en commun de compétences diverses (économiques, scientifiques et créatives) et par la création de nouveaux outils. Comme ce « google du vivant » élaboré par son agence : un outil visant à offrir aux designers l’accès à certaines découvertes scientifiques pouvant les inspirer dans leur pratique.
Et s’il ne fallait plus tout maitriser ? Si l’idée maitresse de cette conférence tenait en un mot : « l’attitude ». Une attitude guidée par une nouvelle manière de créer, de collaborer, de ne pas tout réinventer, mais plutôt de capitaliser sur ce qui a déjà été solutionné. Cette idée du collectif au service d’un avenir plus durable s’est invitée à de nombreuses reprises dans les témoignages des créatifs invités à s’exprimer au MAD Brussels. Représentant de la start-up BC Materials, une société spécialisée dans la transformation des terres d’excavation des chantiers en matériaux de construction, Anton Maertens a lui aussi insisté sur l’importance de capitaliser sur l’humain dans une philosophie « open source » qui laisse une grande place à la beauté. Pragmatique, mais aussi très poétique, l’approche de la startup bruxelloise résume parfaitement les fondements du New European Bauhaus. Figure clé du film d’Alexandre Humbert aux côtés d’autres projets soutenus par Belgium is Design, BC Materials s’inscrit dans ce « new rise of design » évoqué par Marjanne Cuypers de Blue Blocks. Pour elle, il faut dépasser l’idée du « zéro impact » pour tendre vers un « impact positif » sur la planète. Selon elle les périodes de crise comme celle que nous traversons sont toujours motrices d’innovation. L’enjeu désormais est d’aller jusqu’au bout du processus.
MAD Brussels, 18 heures. L’heure des échanges entre participants. Mais aussi l’heure de se réjouir. Le design d’aujourd’hui n’est plus en quête de sens. Il a du sens et des valeurs. Et son engagement est plus que jamais collectif. Le futur sera donc « bright », mais aussi « beautiful ». Et cette fois, personne ne trouvera cela anecdotique ou trivial.