En s’associant à deux designers rencontrés dans le cadre des mises en relation designers/entreprises initiées par Belgium is Design, la fondatrice de la maison d’édition française Ibride réaffirme l’engouement des marques étrangères pour la création belge au sens large.
Si le nom de votre maison n’est peut-être pas très connu en Belgique, vos objets sont ancrés dans l’inconscient collectif. Comment choisissez-vous les designers avec lesquels vous collaborez ?
Vous allez trouver ma réponse cliché (elle rit), mais c’est avant tout une question de rencontres. Pour que ça marche, nous devons partager des valeurs communes. Depuis 30 ans, nous collaborons avec des talents en phase avec notre ligne éditoriale. Quand j’ai fondé Ibride, je ne me sentais pas totalement à l’aise avec l’idée de créer de nouveaux objets. Sur un marché qui en est saturé, j’ai d’emblée misé sur des créations inspirées de la nature et du vivant, sur le made in France, mais aussi, en tant que fabricant, sur des objets vendus dans un emballage plat, qui soient double-usages, réparables (car réalisés sans soudure), garantis 10 ans et avec un petit côté drôle ou grinçant. Pour moi, toutes ces valeurs relèvent d’un certain bon sens familial. L’idée, c’est de rendre nos collections pérennes.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans l’approche belge ?
Jusque-là, nous nous positionnions dans une approche franco-française. Et nous nous y sentions un peu à l’étroit. En découvrant l’approche et ensuite les propositions de Juraj Straka et Frederik Delbart, les deux Belges que nous avons rencontrés lors des séances de mise en relation initiées par Belgium is Design, il nous a semblé logique de leur offrir une chance d’élargir notre horizon. Frederik est un architecte dans le sens le plus noble du terme. Il a une grande intelligence de conception. La console qu’il a imaginée pour nous repose sur un sens de la technique et de la mise en œuvre qui nous a obligés à repousser nos propres limites.
Dans le cadre de Juraj Straka, l’approche est plus poétique. Son propos très artistique vous touche particulièrement.
Nos collaborations sont le plus souvent liées à une démarche artistique qui embrasse des disciplines comme la peinture et même la littérature. Pour cette collection, Juraj s’est inspiré de gravures anciennes. Habitué à l’univers de la mode (né à Bratislava, il a créé des motifs pour Dries Van Noten pendant 7 ans au sein de sa Maison, avant de fonder son propre studio de design textile en 2020, ndlr.) où tout doit aller très vite, il a donc particulièrement apprécié notre rapport au temps. Pour Ibride, il a eu l’occasion de créer des motifs dessinés à la main, dont certains ont pris des dizaines d’heures d’exécution.
La lenteur : un vrai luxe ?
En ce qui nous concerne, c’est notre manière de travailler. Si nous ne sommes pas satisfaits d’un design, nous ne le sortons pas, quitte à perdre 6 mois ou plus. La force du design, c’est qu’il dure dans le temps. Les objets de Juraj et de Frederik seront plus que probablement encore sublimes et pertinents dans 15 ou 20 ans. Nous cherchons à nous distancer d’une certaine homogénéité qu’on peut percevoir dans le design. A ce niveau également, ces designers Belges ont parfaitement capté nos attentes et notre manière d’envisager la création. Juraj assume par exemple la notion même de beauté classique qui fait fi des tendances pour se concentrer sur l’esthétique et la poésie d’un objet.
Votre nouvelle collection d’objets sera présentée aux acheteurs internationaux et à la presse non pas dans le cadre d’un salon, mais dans votre fief de Besançon. Pourquoi ?
À cause des Jeux olympiques nous avons décidé de ne pas participer à l’édition de septembre du salon Maison&Objet. Nous avons donc pensé qu’une déambulation dans un beau jardin privé au cœur de la région dans laquelle nous sommes implantés était une jolie manière de faire découvrir à nos clients européens, mais aussi chinois, américains ou australiens, notre territoire de création et d’expérimentations. Si nous ne nous définissons pas au travers de notre région, il est évident que notre lien avec la nature et la poésie qui se dégage de nos objets en découlent tout naturellement.