Igor Dieryck, jeune créateur belge, a étudié à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. Lors du prestigieux Festival international de mode et de photographie de Hyères, il a été récompensé de 3 prix, dont le Grand Prix du Jury Première Vision et le Prix du Public. Pour sa collection, le jeune homme de 24 ans s’est servi de son expérience en tant qu’étudiant dans un hôtel, où il a pu y analyser les dynamiques de pouvoir dans la hiérarchie et les différentes attitudes du personnel pendant qu’il travaillait.
La manière dont il a transposé tous ces moments et toutes ces observations en une collection réussie et émouvante relève principalement du savoir-faire d’Igor Dieryck, qui porte un regard non seulement empathique, mais aussi critique sur le monde qui l’entoure. L’humanité et le pouvoir sont au cœur de sa collection, prouvant que la mode peut à la fois être humoristique, stimulante et séduisante. Nous avons rencontré Igor pour discuter de son expérience au Festival, de son travail chez Hermès en tant que styliste junior et de la façon dont il envisage son avenir dans la mode.
Vous avez obtenu 3 prix à Hyères, c’est exceptionnel. Comment avez-vous géré cette médiatisation ?
Je dois dire que la période qui a suivi la fin du Festival a été beaucoup plus intense que les deux semaines de préparation. Je ne m’attendais pas du tout à gagner, alors recevoir 3 prix était vraiment incroyable. J’ai repris le travail immédiatement après Hyères, je n’ai eu le temps ni de prendre du recul ni même de fêter ça.
Depuis combien de temps travaillez-vous chez Hermès ?
J’ai commencé chez Hermès début avril cette année. Je suis dans l’atelier de prêt-à-porter des collections masculines, dirigé par Véronique Nichanian.
Pourquoi avez-vous choisi Hermès ? Vous rêviez d’y travailler ?
Lorsque nous terminons nos études, nous nous rendons compte qu’il est non seulement difficile de trouver du travail, mais aussi de décrocher un stage. J’ai d’abord fait un stage chez Acne Studios, ce qui était très intéressant pour moi. Lorsque l’offre d’Hermès s’est présentée, j’ai réalisé que j’avais de la chance d’obtenir un contrat à temps plein. Bien sûr, Hermès dispose d’un savoir-faire et d’une expertise incroyables en matière de collections masculines. Vu mon âge, c’est aussi l’endroit idéal pour apprendre.
De plus, Véronique Nichanian y travaille depuis plus de 30 ans, ce qui est assez rare dans ce secteur.
Il faut un certain temps pour se sentir à sa place, car Hermès a un fonctionnement très particulier. Le temps consacré à certaines choses est peut-être plus long que dans d’autres maisons. Mes premiers mois ont été plutôt intenses, mais maintenant je me sens beaucoup plus dans mon élément.
J’ai été séduit par la manière dont vous avez abordé l’uniforme hôtelier en tant qu’outil de pouvoir, mais aussi par la manière dont vous avez analysé la dynamique de pouvoir dans l’hôtel où vous avez travaillé en tant qu’étudiant. Que vous a appris cette expérience ?
Je suis passionné par la géopolitique et la façon dont les sociétés sont construites. En fait, ma collection ne fait pas référence à la mode en tant que telle. Elle s’inspire de faits quotidiens et des luttes de pouvoir qui se déroulent sur le terrain. Lorsque je travaillais en tant que réceptionniste durant l’été, je me sentais comme un étranger et je remarquais parfois comment certains clients observaient les membres du personnel. Leur regard était empreint de jugement, et je voulais que ma collection en tienne compte sans pour autant être caricaturale ou recourir à des stéréotypes sur l’univers de l’hôtellerie.
Votre collection a également mis en lumière des personnes souvent ignorées dans la société. C’est assez touchant et nous ressentons une certaine empathie.
L’humour est un élément important de mon quotidien, et je voulais que la collection ait cette dimension ludique. La mode est souvent présentée comme un secteur particulièrement sérieux et sous pression, mais je trouve aussi essentiel de pouvoir m’amuser au travail. L’humour permet également de véhiculer des messages, en particulier s’ils sont critiques. Pour en revenir à ce qu’est réellement le travail d’un membre du personnel de l’industrie hôtelière, il faut constamment trouver le bon équilibre entre l’invisibilité et la présence. Les clients exigent une certaine attention, mais ils ne veulent pas pour autant que le personnel soit envahissant. J’ai trouvé ces contradictions absolument fascinantes, et je les ai associées à l’uniforme et à l’idée de disparaître en se cachant derrière les vêtements.
Votre expérience dans l’hôtellerie a-t-elle changé votre perception du secteur tertiaire ?
Oui, cette expérience m’a véritablement fait prendre conscience que nous sommes tous des êtres humains, indépendamment des attentes liées à notre travail. Tout le monde connaît des jours difficiles, mais dans le secteur tertiaire, vous devez redoubler d’efforts pour donner à vos clients ce qu’ils attendent.
Comment envisagez-vous votre avenir dans la mode et sur quel type de projet aimeriez-vous travailler ?
Pour l’instant, je me plais beaucoup chez Hermès et j’aimerais vraiment y rester. Bien sûr, je ne veux pas faire de plans dans l’immédiat. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve.
Nous suivrons votre travail ! Encore toutes nos félicitations pour votre incroyable collection. Promettez-moi de rapidement fêter vos récompenses avec vos amis.
Je n’y manquerai pas !