Photographe de mode et fondateur de la plateforme digitale Catwalk Pictures, le Belge Etienne Tordoir couvre, depuis une vingtaine d’années, toutes les fashion weeks, mais aussi les défilés des écoles de mode belges. L’occasion d’évoquer avec lui les nouveaux enjeux de son métier, mais aussi sa vision de la jeune création.
La mode, il y est arrivé par le biais de la musique. Originaire de Charleroi, Etienne Tordoir commence, à l’âge de 16 ans, à écrire pour la presse locale. Son domaine de prédilection: la musique. Dans les années 80, il signe ses premiers articles pour le magazine Marie Claire, dont un sur les costumes de scène dessinés par Versace pour Elton John. Quand on lui demande d’épingler quelques souvenirs, Etienne Tordoir évoque aussi la rencontre qu’il a initiée entre la chanteuse PJ Harvey et Ann Demeulemeester, mais aussi ses clichés du défilé hommes de Dries Van Noten à Paris en 1985: le vrai point de départ de sa carrière de photographe de mode.
Le tournant
En 2004, Etienne Tordoir lance la plateforme digitale Catwalk Pictures.
Le secteur de la mode était en train de changer. Tout s’accélérait. Aujourd’hui, les clients veulent les photos des shows avant même que le dernier mannequin ait quitté le catwalk
Si le rythme de la mode a changé, la dimension éphémère de son métier continue à le motiver.“Face à une silhouette, l’envie de capter la bonne lumière et les détails de chaque vêtement est toujours bien présente…. même à la fin d’une fashion week lorsque j’ai déjà photographié des centaines de shows. En créant Catwalk Pictures, j’ai à la fois anticipé les besoins du secteur, mais j’ai aussi contribué à booster une demande qui dépasse parfois l’entendement.”
L’exception belge
Si la réalité et les nouveaux enjeux du secteur demeurent au cœur de ses préoccupations, Etienne Tordoir n’en reste pas moins un observateur attentif de tout ce qui touche à la jeune création: “en Belgique, les étudiants en mode ont la chance de pouvoir se former dans des structures publiques intégrées à des écoles d’art. Ce n’est plus le cas partout. A Londres, par exemple, le défilé de la Saint Martins a clairement pris une dimension commerciale. On y enseigne le business, plus que la création pure. Si je suis le premier à regretter que les jeunes créateurs belges ne soient pas mieux initiés à certaines réalités du secteur, je suis convaincu qu’observer, soutenir et encourager la jeune création est une vraie nécessité.”
Nouveaux défis
Partenaire du festival de mode et de photographie d’Hyères depuis 20 ans, ex-Président de l’asbl Modo Bruxellae, Etienne Tordoir s’est aujourd’hui associé à Wallonie-Bruxelles Design Mode. L’occasion de faire le lien entre le travail des jeunes designers et les enjeux liés à l’exportation. Cette nouvelle approche plus institutionnelle de son travail de photographe, il nous en parle avec réalisme. Dans son discours, aucune trace de lassitude, ni d’ennui. Parce qu’en vingt ans de métier, il a appris qu’un photographe de mode peut être surpris à tout moment. Lorsque ça arrive, la silhouette n’est visible qu’un instant. Juste le temps de savourer. Puis de déclencher.