Lorsque notre époque et nos vies se compliquent, la première chose à faire consiste à simplifier nos choix vestimentaires. En période de crise, qu’elle soit économique, sociétale ou politique, beaucoup d’entre nous privilégient les vêtements fiables et résistants. Et si le minimalisme est un concept très long à maitriser, la simplicité a tendance à perdurer.
Jean-Paul Knott l’a parfaitement compris en lançant sa propre marque voilà plus de vingt ans. Le designer bruxellois, dont le succès s’explique probablement par son amour de la subtilité, des lignes géométriques et des matériaux de qualité, n’est pas adepte de la complexité. Ses vêtements intemporels, adaptés à tous les sexes, se caractérisent par le confort, l’élégance et une certaine modestie.
Depuis des années, J. P. Knott peaufine et élabore un style qui lui est propre, et ce sans tenir compte des tendances et en se concentrant sur ce qu’il fait le mieux. En 2023, tout le monde parle de la tendance « quiet luxury » et de son influence sur notre façon de nous habiller au quotidien, ce qui ne manque pas de susciter un certain amusement. Nous avons rencontré M. Knott pour discuter de la découverte de ses vêtements par la nouvelle génération, de sa collaboration avec le couturier français Yves Saint Laurent et de son opinion quant au fait que certains clients fuiront toujours les logos tape-à-l’œil.
En ce moment, tout le monde parle du « quiet luxury » et nous assistons au retour du minimalisme. Comment l’expliquez-vous?
La mode est un phénomène cyclique, c’est pourquoi cela ne me surprend pas. De plus, la pandémie a obligé de nombreux designers à repenser la production locale et à confectionner leurs vêtements à proximité de chez eux. Je crois donc que les valeurs de ma marque correspondent au contexte dans lequel nous vivons.
Pourquoi les clients veulent-ils, désormais, se montrer plus discrets?
Lorsque la société connaît une période de crise, les gens se préoccupent moins de se mettre en valeur et d’attirer l’attention grâce à leurs vêtements. Je pense également que la simplicité est synonyme d’intemporalité et que de nombreux clients estiment que faire étalage de leur richesse est de mauvais goût.
Les jeunes achètent-ils vos vêtements ? Que pensent-ils de votre travail?
Beaucoup connaissent ma marque ou en ont entendu parler, mais ne savent pas nécessairement ce qu’elle représente. Les jeunes clients et acheteurs sont séduits par la qualité de mes vêtements, mais aussi par le fait que mes collections ne sont pas soldées, à l’exception des articles purement saisonniers. En Belgique, les magasins ont connu un grand succès commercial, ce qui est rassurant.
STIJL, la célèbre boutique bruxelloise, commande une quantité très importante de pièces chaque saison et, cet été, il n’en restait plus que quelques-unes dans le magasin. Dans ma propre boutique, nous avons aussi des clients plus jeunes qui cherchent des tenues pour des occasions ou des articles spéciaux, ce que je trouve très motivant.
Le confort joue également un rôle essentiel à vos yeux. Vos vêtements comportent-ils d’autres caractéristiques?
De nombreux modèles sont interchangeables et peuvent être modifiés pour être portés différemment. Je n’ai jamais cru à la ségrégation sexuelle et je pensais que toute personne pouvait porter mes vêtements. En fait, les clients que j’ai à Bruxelles sont assez éclectiques, ils sont âgés de 20 à 90 ans.
Les marques dites « de luxe » dépendent toujours plus des logos, qu’elles utilisent pour vendre des vêtements essentiellement inspirés du sportswear. Comment expliquez-vous cet engouement pour ce genre de vêtements?
Je pense que le logo est indispensable pour que le client se sente en sécurité et validé. Tout est une question de prestige et le logo vous permet, en quelque sorte, de vous positionner. Les sociétés que je qualifierais de plus instruites ou de plus mûres accordent moins d’importance au logo.
Avez-vous toujours été attiré par la mode?
Les années 1980 ont été glorieuses dans le domaine de la mode. Après l’obtention de mon diplôme de la Fashion Institute of Technology à New York, j’ai brièvement conçu des collections de marques privées, qui étaient vendues par de grands magasins américains tels que Saks ou Bloomingdale. En fin de compte, mon travail consistait à voyager avec les directeurs artistiques de ces entreprises et à examiner les vêtements vendus un peu partout pour les reproduire. Au bout d’un certain temps, ce travail est devenu assez déprimant et j’avais envie de retrouver un environnement nettement plus créatif. L’un de mes professeurs m’a conseillé de me concentrer pour intégrer une maison pour laquelle je voulais vraiment travailler. Et cette maison était Yves Saint Laurent. J’ai préparé mon portfolio, j’ai pris l’avion pour Paris et j’y ai effectué un stage. Après deux ans de stage, ils m’ont engagé et ma toute première mission a consisté à retravailler les croquis de monsieur Saint Laurent.
C’était en quelle année?
En 1987. Ce fut un grand moment pour lui au cours duquel il a présenté de remarquables collections, inspirées par des peintres et des artistes.
Quelle était la particularité de votre travail chez Yves Saint Laurent?
Lorsque je travaillais pour Yves Saint Laurent, personne ne parlait de chiffre d’affaires, de bénéfices ou de ventes. Nos seules priorités étaient la recherche de la beauté et le plaisir de Yves Saint Laurent. Le dévouement de toute l’équipe à son égard était merveilleux, et monsieur Saint Laurent connaissait le nom de tous ses collaborateurs. Nous étions comme une famille soudée et aimante. Et il était évidemment le patriarche.
J’imagine qu’il n’était pas très bavard. Quelles étaient vos relations avec lui?
Le vendredi, il se détendait et nous feuilletions les magazines internes de l’entreprise. Il se moquait de tout le monde et nous nous amusions. Il était incroyablement respectueux et gentil envers son équipe.
Vous avez ensuite lancé votre propre marque, c’est bien ça?
Oui. Je ne voulais pas vraiment travailler pour une autre maison et j’ai finalement décidé de créer ma marque éponyme. J’ai également été consultant pour d’autres grandes marques, comme Krizia à Milan. J’ai participé à des défilés à Paris, mais je ne me suis jamais senti à l’aise avec le cachet spectaculaire des défilés de mode.
Les marques indépendantes traversent actuellement une période difficile. Êtes-vous optimiste par rapport à l’avenir?
Oui, je le suis. Il y aura toujours autant de possibilités pour les créateurs comme moi et pour les clients qui détestent le fanatisme du logo et les vêtements criards et tape-à-l’œil. Je ne suis peut-être pas aussi avant-gardiste que d’autres créateurs belges, mais je crois à la discrétion et au perfectionnement de son propre style, au fil des saisons et des années.