L’imprimé a toujours occupé une place centrale dans le stylisme. Plusieurs marques, notamment Pucci, Hermès, Versace ou Paul Smith, ont construit leur identité autour de l’imprimé, les rendant immédiatement reconnaissables.
Pour Juraj Straka, qui vit et travaille en Belgique, l’imprimé est une véritable nécessité, presque aussi indispensable que l’air qu’il respire. Il ne pourrait d’ailleurs pas concevoir un monde sans imprimés. Il les associe à des valeurs fondamentales comme la créativité, la confiance, l’optimisme et l’expression de soi.
Aujourd’hui, son portfolio de clients inclut plusieurs marques belges, parmi lesquelles figurent Meryll Rogge ou Essentiel, pour n’en citer que quelques-unes. Nous avons rencontré cet innovant designer d’imprimés pour discuter de Dries Van Noten, du lancement de sa collection de chemises, et de sa conviction qu’il existe un imprimé pour chacun.
Comment définiriez-vous votre travail ?
Je suis designer d’imprimés. Je suis originaire de Slovaquie, où j’ai étudié le stylisme. Cependant, après quatre ans, je n’éprouvais plus d’enthousiasme pour les vêtements ou les formes. Mon intérêt s’est rapidement tourné vers les tissus, les imprimés, les broderies et les ornements.
Comment êtes-vous passé du design à l’imprimé ?
Il existait un cours de design textile à Bratislava, que j’ai rejoint après mes études de design. Ma connaissance en matière de création de patrons et ma compréhension précise du processus de fabrication des vêtements ont grandement facilité cette transition.
Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec Dries Van Noten ?
Si vous m’aviez demandé, en tant qu’étudiant, quel était mon métier de rêve, je vous aurais répondu : print designer chez Dries Van Noten. Donc, d’une certaine manière, je savais ce que je voulais atteindre, mais le chemin pour y arriver a été bien plus long, mais aussi plus complexe, que ce à quoi je m’attendais. Quand j’ai obtenu mon diplôme à l’Académie des Beaux-Arts de Bratislava, j’étais déçu par mes études et j’ai commencé à postuler à tous les programmes Erasmus ou échanges possibles. J’ai également participé à plusieurs concours internationaux de design. L’un d’eux s’est déroulé à Lyon, et je l’ai remporté, ce qui m’a permis de faire un stage chez Hermès, plus précisément dans leur imprimerie textile. J’ai d’abord travaillé pour une entreprise de fabrication textile pendant plus de sept ans, ce qui a été, pour moi, la meilleure école possible. Ensuite, j’ai cherché à comprendre comment passer du côté industriel à celui des studios créatifs haut de gamme
Avez-vous travaillé pour d’autres maisons de couture avant de rejoindre Dries Van Noten ?
Oui. J’ai été embauché par Schiaparelli en 2013 en tant que responsable de la broderie et du design d’imprimés. C’était vraiment une start-up à l’époque, j’ai ensuite travaillé avec Marco Zanini ainsi qu’avec Bertrand Guyon. Les changements de directeurs créatifs ont rendu l’environnement assez stimulant, mais de manière plutôt positive. J’étais plutôt heureux chez Schiaparelli lorsque j’ai appris que la personne en charge du design d’imprimés chez Dries Van Noten partait. J’ai passé un entretien, j’ai obtenu le travail et j’ai déménagé en Belgique. C’était vraiment un rêve devenu réalité, et j’ai créé tous les imprimés pour les collections hommes et femmes jusqu’en 2020. En fait, c’était même mieux que ce que j’avais imaginé.
Avez-vous travaillé sur la collection anniversaire ?
Oui. Je me souviens que le développement était colossal. Nous avons créé 100 imprimés pour cette collection (AW 2017/18), ce qui était considérable. J’avais proposé à Dries de superposer les imprimés, et il a finalement choisi d’intégrer cette idée.
Je l’ai souvent interviewé, et il aime sortir de sa zone de confort. Qu’avez-vous appris de sa manière d’associer imprimés et tissus ?
Je dirais que nos esthétiques respectives s’entremêlaient de façon presque déconcertante, ce qui signifie qui nous comprenions presque instinctivement les goûts de l’un et de l’autre. Dries m’a appris à ne pas me contenter de résultats plaisants, mais à bousculer ma propre esthétique en la confrontant à des éléments que je détestais. La beauté parfaite est ennuyeuse, il faut donc un élément inattendu pour tout bousculer et rendre cela moderne.
Combien de temps avez-vous travaillé là-bas ?
J’ai travaillé avec Dries pendant 4 ans et je suis parti juste avant le début de la pandémie. J’ai trouvé cette expérience incroyable, et je voulais partir sur une note positive. Vous voyez ce moment lors d’une soirée où tout le monde commence à être vraiment ivre et où tout part en vrille ? Je ne voulais tout simplement pas vivre ça, alors j’ai quitté la fête au bon moment.
Avez-vous ensuite lancé votre propre entreprise ?
Oui. J’ai démissionné, car je voulais disposer d’une certaine liberté. Après 15 ans d’expérience dans le secteur, je ressentais qu’il était temps de me consacrer à un projet plus personnel. Même si j’aimais l’univers de Dries, j’étais constamment au service de sa vision créative et non de la mienne. Travailler pour une maison de mode à temps plein demande énormément de sacrifices, et maintenir un équilibre entre vie privée et vie professionnelle est difficile. Je me souviens qu’à l’époque où je travaillais pour Dries, je n’avais jamais le temps de faire mes courses, car les magasins étaient toujours fermés quand je quittais le studio. Aujourd’hui, je peux faire mes courses chaque lundi matin, car je suis mon propre patron.
Pourquoi portons-nous des imprimés ?
Les imprimés exigent une certaine assurance, ce qui explique probablement pourquoi certaines personnes en ont peur. Je suis cependant convaincu qu’il existe un imprimé pour chacun. Commencez par explorer les couleurs et voyez comment cela vous fait sentir. Puis, osez les imprimés et apprenez ce qui vous correspond le mieux. Il s’agit essentiellement de s’amuser avec les textures et les motifs
Vous avez lancé une petite collection de chemises pour hommes, que vous vendez en ligne. Avez-vous l’intention d’en faire une véritable marque ?
Non, ce n’est pas l’objectif. En fait, je voulais créer une collection où je pouvais gérer chaque détail moi-même tout en y trouvant un réel plaisir. C’était un projet assez spontané, car j’ai commencé à réaliser des chemises avec des tissus imprimés que j’avais, moi-même, créés. Cela a un peu pris la forme d’une marque, mais chaque saison, je portais une nouvelle chemise. Je préfère garder ce projet à taille humaine et ne pas en faire une entreprise « classique ». La créativité doit être avant tout une source de plaisir et de spontanéité