Karel Burssens : bousculer les frontières de la performance

Karel Burssens : bousculer les frontières de la performance

Categorie: Interviews
Date de publication:

Dans notre monde obsédé par l’image, la nécessité de produire du contenu, et des événements spectaculaires, est devenue de plus en plus importante. Nous consommons beaucoup plus d’images que les générations précédentes, et toutes les industries créatives traitent avec le monde entier, s’adressant quotidiennement à un public global et soucieux de son style grâce à la technologie.

(c) Jeroen Verrecht

Pour Karel Burssens, dont la pratique multidisciplinaire s’étend de la performance à la décoration d’intérieur en passant par l’architecture et la scénographie, il n’y a pas qu’une seule façon d’aborder le concept de performance. Dans son travail varié et orienté, il aime défier les conventions tout en nous amenant à nous interroger sur les significations et les valeurs que nous considérons comme acquises. Il s’intéresse également à la mode et à la manière dont des événements éphémères, tels que les défilés, peuvent générer des souvenirs marquants, parfois inoubliables.

88888, UNTITLED (OASIS) - WCD (c) Jeroen Verrecht
Vous avez suivi une formation d’architecte, mais votre travail a adopté une approche beaucoup plus disciplinaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre vision créative ?

J’ai étudié le génie civil et l’architecture à Louvain. Très vite, j’ai compris que le génie civil n’était pas fait pour moi et j’ai cherché des façons innovantes d’utiliser mes compétences. Finalement, j’ai réalisé que la mode m’attirait et que je pouvais apporter quelque chose à ce secteur en termes de créativité. Parallèlement, je collaborais avec un chorégraphe et j’ai commencé à faire de la scénographie dans un duo appelé « 88888 », en collaboration avec Jeroen Verrecht. Je n’ai pas seulement contribué au décor, mais j’ai également entamé un dialogue sur l’ensemble des éléments visuels, y compris sur la manière dont les danseurs s’appropriaient la scène. Je m’intéresse beaucoup à la relation entre ce qui est purement humain et ce qui est considéré comme artificiel ou construit.

Currents, Jeroen Verrecht
Est-ce l’aspect performatif qui vous a particulièrement séduit, ou est-ce plutôt la nature éphémère de ces événements qui vous a attiré ?

Je pense toujours à la façon dont mon travail peut améliorer la création de quelqu’un d’autre. En ce sens, il peut s’agir d’un défilé de mode ou d’une mise en scène de l’espace pour une performance. Mes réalisations semblent assez simples, mais elles sont en fait conceptuelles et multidimensionnelles, avec plusieurs éléments qui s’influencent et interagissent les uns avec les autres. Ces dernières années, je me suis intéressée à la qualité performative des espaces et à la dualité qui façonne la relation que les gens entretiennent avec leur environnement.

Vous êtes vous-même un performeur ?

Malheureusement non, bien que j’aie créé un spectacle de danse explorant la tension entre l’homme et la machine, qui est en fait une notion que je continue d’explorer dans ma pratique. Nous vivons dans une société axée sur la productivité, où les gens doivent constamment produire des biens, et d’une certaine manière, nous sommes considérés comme des machines.

Vous occupez-vous de projets d’intérieur pour des clients privés ?

J’ai conçu l’intérieur du salon de coiffure Vega à Bruxelles – avec Michael Langeder – qui correspondait à l’idée que je me faisais d’un salon. Je voulais quelque chose de très minimaliste et d’épuré. Rapidement, l’idée du miroir s’est imposée, ainsi que celle d’un mobilier juste assez grand pour contenir tous les outils et produits utilisés par les coiffeurs. Au final, il s’agit du client, de son image et de la façon dont chaque coiffeur doit se concentrer sur les nouvelles coupes. Il s’agit de l’essence même de leur travail.

Je trouve cet endroit magnifique et assez futuriste. Avez-vous également travaillé sur la scénographie de BOLD Dualities, une exposition de Belgium is Design à la Milan Design Week ?

Oui, c’est un projet sur lequel j’ai travaillé en 2024. Il présentait 30 designers belges, ainsi que leurs studios, et le défi était de respecter l’individualité de chacun tout en les promouvant en tant que groupe. Nous avons créé une installation en couches avec de la lumière, du son et un rideau central reflétant les objets.

Vous avez collaboré avec Villa Eugénie à la scénographie du magnifique spectacle d’adieu de Dries Van Noten, auquel j’ai eu la chance d’assister en juin dernier. C’était un moment très émouvant. Pensez-vous que les défilés de mode deviennent trop commerciaux – et presque robotiques – d’une certaine manière ?

Il m’est difficile de me prononcer, car je suis actuellement très impliquée dans ce domaine, mais il est vrai que certains défilés sont devenus prévisibles ou de plus en plus standardisés. Pourtant, si vous regardez une créatrice comme Miuccia Prada, il y a toujours une dimension exaltante – et conceptuelle – dans ses défilés. Je pense que OMA fait un excellent travail pour la marque et je la trouve souvent très créative. J’aime aussi les défilés de Balenciaga, qui sont conçus par SUB.

Y a-t-il un défilé sur lequel vous avez travaillé récemment et dont vous êtes particulièrement fier ?

Le défilé Moncler Genius, qui a eu lieu à Shanghai en octobre dernier, a été un moment fort pour moi. Tout d’abord, il s’agissait d’un projet de grande envergure, qui m’a permis de réaliser que je pouvais contribuer à des projets de cette taille. Nous disposions de 2 000 mètres carrés et de tellement d’experts qui travaillaient sur cet événement. C’était une grande leçon d’humilité.

HORST - Jeroen Verrecht
En matière de mode, quels sont les créateurs qui vous inspirent le plus ?

Rick Owens est une figure fascinante de l’industrie. Je m’intéresse également à la nouvelle génération de créateurs belges, comme Meryll Rogge ou Marie-Adam Leenaerdt. Je suis curieux de voir le premier défilé de Julian Klausner pour Dries. Je ne suis pas un grand acheteur, mais j’aime les vêtements de qualité que l’on peut porter très longtemps. En ce sens, j’aime le travail de Jan-Jan Van Essche et les valeurs incarnées par la marque, qu’il s’agisse de ses choix de tissus, de ses méthodes de production, de son esthétique ou de ses inspirations. J’ai récemment porté certaines de ses pièces pour une séance photo et je me sens vraiment bien dedans.

Interview par

Philippe Pourhashemi

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