Aussi ambitieux et abouti que sa version belge, Baranzate Ateliers, un rendez-vous soutenu par Belgium is Design, s’est naturellement classé parmi les rendez-vous incontournables de la Design week milanaise.
Installée pendant 6 jours, du 6 au 12 juin derniers, dans un bâtiment désaffecté de la commune de Baranzate, dans la proche périphérie de Milan, la version italienne de Zaventem Ateliers a permis à 16 designers belges de présenter leur travail, véritable best of des différents univers et métiers (designers, artistes, artisans, concepteurs de mobilier, de luminaires, de couteux d’exception, etc.) regroupés depuis 2019 au sein d’un hub créatif unique en son genre.
3000 mètres carré, 16 artistes ou collectifs, deux galeries et quatre artistes invités, 5.000 visiteurs en 7 jours…. Il est difficile d’évoquer Baranzante Ateliers sans passer par la case « superlatifs ». L’autre option, c’est d’écouter les designers utiliser le mot « famille » pour évoquer ce projet initié par Lionel Jadot, à Zaventem, d’abord, puis, de manière éphémère, à Baranzate dans un bâtiment industriel désaffecté, l’ancienne fabrique Necchi. A l’image de l’esprit collaboratif du hub créatif en place depuis 3 ans aux portes de Bruxelles, le projet milanais a permis aux designers de présenter leur propre travail, mais aussi de développer des synergies, pour certaines déjà amorcées en Belgique, que ce rendez-vous ultra relayé sur les réseaux sociaux et au travers des médias belges, italiens et internationaux a rendu encore plus évidentes. Quant aux acheteurs, ils ont d’emblée adhéré à l’énergie dégagée par le collectif. Certains, comme Arno Declercq, designer, marchand d’art et créateur de mobilier, ont d’ailleurs vendu l’ensemble des pièces qu’il ont présentées à Milan.
Il a fallu plusieurs jours et une énergie incroyable à l’ensemble du collectif pour mettre en œuvre cette scénographie semblable à un immense décor de théâtre. Au fur-et-mesure de la journée et des changements de lumière, le lieu à l’esthétique brute et industrielle se transformait pour dévoiler d’autres facettes du travail de ces designers jusqu’auboutistes dont le travail autour du bois, du métal, du textile ou des matières de recup’ a trouvé ici un écrin plus-que-parfait. Cette mise en commun d’univers aussi contrastés que complémentaires était aussi l’occasion de découvrir le résultat des nombreuses alliances initiées au fil des mois entre designers. Comme celle qui unit Vladimir Slavov, artiste, designer et fabricant de luminaires (Dim ateliers) et Mircea Anghel (Cabana Studio), créateurs, respectivement, d’une suspension lumineuse et d’une table ; des pièces qu’on retrouve, entre autres, au restaurant Mirazur à Menton. Ou encore la table basse Maison Armand Jonckers réalisée avec la collaboration de Pieter Van Bruyssel et Thomas Eggermont, fondateurs de Grond. Quant à Clem Vanhee (Atelier185) concepteur de couteaux sur-mesure, il partage avec son épouse Lieselot, joaillière (Lunlotta), une complicité privée et artistique (les bijoux de Lieselot sont issues des chutes de métal des couteaux) qui, à Bruxelles comme à Milan, donne tout son sens au projet dans sa globalité.
Organisée comme une promenade dans l’immense hall de Baranzate, l’exposition offrait aux visiteurs la possibilité de s’immerger dans chaque univers, mais aussi de les voir coexister dans un dialogue ou plutôt une multitude d’échanges inspirants. Comme avec Abacus, la table composée de plusieurs plateaux modulables du designer Pierre-Emmanuel Vandeputte placée sous l‘installation kinétique Light Fan de Studio Élémentaires ou les textiles métalliques d’Adeline Halot jouxtant les chaises en métal recyclé du studio Futurewave, fruits d’une collaboration avec la brasserie Duvel. Mus par une même obsession de la couleur, Lionel Jadot, Justine de Moriamé et Erika Schillebeeckx (Studio Krjst) et le studio Pierre Coddens (qui présentait une forêt de tabourets en aluminium laqué) ont réussi quant à eux à faire cohabiter leurs univers très identitaires sans se bousculer l’un l’autre. Car c’est bien dans cette complémentarité et dans cette capacité à concilier design sexy et engagement forts, qu’ils soient sociétaux ou environnementaux, que réside la force de Zaventem Ateliers. Aux 16 noms rassemblés à Baranzate sont venus d’ajouter deux galeries, ainsi que d’autres designers belges, comme la céramiste Bella Silva ou encore Ben Storms dont le travail, l’approche et la philosophie cadrent avec ceux du « noyaux dur » de l’atelier belge.
Dans quelques mois, Lionel Jadot, véritable couteau-suisse du design et maitre d’œuvre du futur hôtel implanté sur le site de l’ancien siège social de la Royale à Bruxelles, rassemblera les 32 talents de cette corporation qui fait rêver tous ceux – journalistes, acheteurs, galeristes ou collectionneurs -, qui la découvrent pour la première fois. Et là, on se met à fantasmer. Dans ce lieu forcément « hors -norme », quelle forme prendront les créations en cuir tissé de Charles Schambourg, les installations lumineuses de la sculptrice Lila Farget ou encore les collaborations multiples initiées par RSLT, un studio hybride qui résume, en quelques pièces aussi inclassables que sublimes, l’essence de Zaventem Ateliers ? Mais peut-on vraiment parler de « résumé » ? Pas vraiment. Et c’est en cela-même que chaque projet de cette jeune guilde est à ce point enthousiasmant.