En 2012, Grand-Hornu Images change de nom est devient le CID – centre d’innovation et de design. L’institution place désormais son travail et sa programmation sous le signe de l’innovation. Interview avec Marie Pok, sa directrice, qui orchestre les manœuvres avec ambition mais aussi simplicité.
Marie Pok, vous êtes aujourd’hui directrice du CID. Quel est le chemin parcouru jusqu’à cette fonction ?
Je suis romaniste de formation. J’ai commencé mon parcours professionnel en tant que journaliste, d’abord dans le domaine du marché de l’art, puis progressivement dans la sphère de l’architecture et du design. Ce travail de réflexion et d’écriture m’a ouvert les yeux sur la richesse et la multiplicité du design. En 2006, je crée le festival « Brussels Design September » qui fait la part belle à la discipline un mois durant. J’ai ensuite repris le poste de la direction du CID, fonction que j’occupe depuis 2012.
Quel est votre regard personnel sur le design ?
L’histoire du design commence avec la production industrielle d’objets fonctionnels. Le design est depuis lors partout autour de nous. Je vis donc « dedans », comme tout le monde. La seule différence, c’est que ma sensibilité à son égard s’est aiguisée tout au long de mes expériences et rencontres. Je me bats contre l’idée d’un design luxueux, hors de prix, qui serait exclusivement « joli ». Ce type d’objets ne représente qu’une toute petite partie de ce que le design a à offrir et n’est pas forcément la plus intéressante. Ce qui m’anime, c’est le design au sens large, l’objet fini, évidemment, mais aussi sa méthode de conception, de fabrication, de distribution et ceci quels que soient sa fonction ou son prix.
En 2012, Grand-Hornu Images devenait le CID – centre d’innovation et de design. Que signifiaient ces changements ?
Le nouveau nom a mis le doigt sur le terme « innovation ». Nous nous penchons sur cette notion en tant que moteur d’un design riche de sens. Nous voulons suggérer de nouvelles façons de voir, de faire et de comprendre le design. L’innovation est entendue comme une « rupture fertile » pour reprendre les termes de Nicolas Henchoz et Yves Mirande. Innover c’est sortir de ses habitudes, de ses certitudes et de son confort pour oser autre chose. Certes, l’innovation est résultat du progrès technologique et scientifique, mais elle découle aussi de questionnements sociétaux, anthropologiques, culturels.
Quel est le rôle d’une institution tel que le CID quand il s’agit d’une discipline aussi mouvante que le design ?
Montrer des objets de design dans un musée, en dehors de leur contexte, c’est proposer un temps de réflexion sur le monde qui nous entoure. Le design en dit long sur nos modes de vie, nos préoccupations, notre façon de penser. A mon sens, il y a quelque chose de l’ordre de l’anthropologie et de la sociologie dans la démarche que nous poursuivons au CID. Comme je l’ai dit, nous voulons apporter un regard neuf sur ce que nous sommes, à travers le design. Une de nos missions est de donner les conditions pour prendre du recul, pour créer un moment d’arrêt pour prendre conscience de ce que l’on fait et de ce que l’on est, dans un monde qui change toujours plus vite.
Jasper Morrison, Michael Young, Alvar Aalto… Les expositions proposées accueillent le travail de designers prestigieux. Quel est le rayonnement du CID sur la scène culturelle européenne et internationale ?
Le CID est une institution de taille relativement modeste par rapport à certains « monstres » culturels comme le Tate Modern de Londres ou le Centre Pompidou à Paris. La cohérence de la programmation mise en place par Françoise Foulon, depuis les débuts de Grand-Hornu Images, a cependant donné une grande crédibilité et la légitimité d’aborder le travail des plus grands noms du design. Nous avons mis sur pied la première rétrospective de Jasper Morrison, pour laquelle le public et la presse ont été très enthousiastes en Belgique, mais aussi à l’étranger. C’est vrai qu’il se passe des choses incroyables à Hornu. Oki Sato (nendo) a interviewé Jasper Morrison ici-même. Ils habitent pourtant tous les deux au Japon…
Le CID est régulièrement le point de rencontre privilégié pour les designers et les professionnels du secteur du monde entier. Nous ne pouvons que nous en réjouir et continuer notre travail avec le même dynamisme et la même rigueur.