Depuis l’ouverture de la Maison Degand sur l’avenue Louise en 1983, Pierre Degand perfectionne l’art de bien-vêtir l’homme, au quotidien et pour les grandes occasions. Il partage ainsi son goût et son sens unique du raffinement avec sa clientèle exigeante et connaisseuse. À de nombreux égards, la Maison Degand n’a jamais été portée sur la mode, d’ailleurs, Pierre Degand lui-même méprise ouvertement ce qu’il appelle le « faux luxe ». Sa boutique incarne plutôt une certaine vision de l’élégance et de la façon dont les hommes devraient s’habiller, en respectant à la fois eux-mêmes et les autres.
Que vous adhériez ou non aux codes de la Maison Degand et à son approche de l’habillement masculin, un fait est indéniable : l’entrepreneur belge se focalise sur son style signature et l’a affiné au fil des années, résistant aux modes et aux tendances éphémères. Au fil des conversations, Pierre Degand se révèle passionné et instinctif, ce qui fait de lui un homme d’opinion et une véritable source d’inspiration. Fidèle à lui-même et à ses valeurs depuis plus de 40 ans, il sait clairement de quoi il parle.
Dans cette interview en toute sincérité, il parle de quelques marques qu’il a introduites sur le marché belge et que personne ne connaissait auparavant, il explique comment il a créé des relations durables avec ses clients et il se confie sur l’avenir qu’il envisage pour la Maison Degand ces 40 prochaines années.
Vous aviez 28 ans quand vous avez ouvert la Maison Degand. Étiez-vous conscient des risques et des défis qui vous attendaient ?
Bien sûr que non… À cet âge-là, vous n’êtes pas conscient de ce genre de choses. Je me suis simplement lancé.
L’avenue Louise était-elle déjà aussi connue ?
Non… Même si bien sûr, elle comptait déjà certaines boutiques réputées, principalement dans la Galerie Louise. Au bout de l’avenue, là où j’ai décidé d’ouvrir la Maison Degand, il n’y avait rien d’intéressant. C’était un peu bizarre d’y ouvrir une boutique de cette taille…
Cela signifie-t-il que vous avez dû vous constituer votre clientèle progressivement ?
Absolument. La boutique se trouve dans un bâtiment plutôt imposant, qui impressionne toujours les gens à l’heure actuelle. En même temps, ma maman confectionnait des vêtements sur mesure pour dames à la côte, et avait des clientes fidèles, ce qui a sûrement aidé.
Vous a-t-elle transmis ce sens de l’élégance et sa passion pour l’habillement ?
Je ne pense pas que l’élégance soit quelque chose qui se transmette. Pour moi, elle est innée, mais il n’empêche que tout le monde peut apprendre à améliorer son style vestimentaire. Vous pouvez porter des vêtements de sport confortables et être élégant. Ce n’est pas qu’une question d’habillement, mais aussi de charisme de la personne. Pour moi, l’élégance se définit par le fait d’être respectueux, non seulement envers soi-même, mais également envers les personnes qui partagent notre quotidien. Et j’ajoute que bien s’habiller ne doit jamais être ostentatoire.
Que déplorez-vous à propos du style vestimentaire des hommes, aujourd’hui ?
Par souci de confort, cela fait un moment que les hommes portent des vêtements horribles, qui ne leur vont pas du tout. Je n’ai rien contre les sneakers, mais ce que je ne supporte pas, c’est le faux luxe, et voir quel prix certaines « marques de luxe » demandent à leurs clients pour des costumes de piètre qualité. Dans le cadre de mon métier, je m’efforce d’informer ma clientèle et de lui faire comprendre ce qu’est la véritable qualité. Et ça n’a rien à voir avec du branding apparent.
Qui tenez-vous responsable du style vestimentaire décontracté que les hommes ont tendance à privilégier ?
Steve Jobs, je dirais. On sait tous ce qu’il porte, malgré son pouvoir et son influence. Il a été le premier homme de sa trempe à laisser tomber le costume au profit de tenues décontractées. Mais étrangement, depuis la pandémie, on observe un retour des costumes et cravates. Certains hommes veulent se démarquer au sein de leur entreprise, et pour ce faire, plus leurs collègues optent pour un style casual, plus ces hommes ont envie de porter la cravate. Personnellement, j’en porte une tous les jours, sauf le dimanche.
Proposez-vous des costumes et chemises sur mesure ?
Oui, et cela répond clairement à une demande. Certains de nos clients, dont je tairai le nom, sont fortunés et apprécient le luxe d’un costume sur mesure. Le vrai luxe, en fait, c’est faire l’expérience d’enfiler un vêtement sur mesure de haute qualité et de voir quelles sensations cela procure. C’est ça, le luxe : un plaisir que seul celui qui porte le vêtement peut ressentir. Autre point important : les vrais vêtements de luxe, ce sont ceux qui peuvent toujours être raccommodés ou réparés. Nous avons des clients qui reviennent nous voir en nous demandant de rafraîchir certaines de leurs pièces fétiches, ce qu’on peut faire, étant donné la qualité d’origine du vêtement.
Vous avez introduit sur le marché belge des marques qui sont devenues célèbres partout dans le monde. Pouvez-vous nous parler de certaines d’entre elles ?
Acqua di Parma en fait partie. J’ai découvert cette marque en Italie et j’en ai ramené quelques bouteilles pour mes clients. C’était un parfum frais et élégant. Je peux également citer Tod’s… Marque que l’on retrouve partout aujourd’hui ! L’un des avantages de mon travail, c’est que je recherche en permanence de nouveaux fournisseurs que personne d’autre ne connaît. Et après 40 ans, je peux dire que je connais plutôt bien les meilleurs fabricants de vêtements pour hommes et les marques italiennes d’exception !
Je me souviens que nous nous sommes rencontrés pour la première fois au Pitti Uomo à Florence. Les Italiens portent-ils plus attention à leur tenue que les Belges ?
Ils ont clairement plus de style vestimentaire que les Français, par exemple. Arnys, un établissement similaire à la Maison Degand, a fermé à Paris en 2012, et de nos jours, ça devient plus difficile de trouver de telles boutiques. Ce qui est unique à la Maison Degand, c’est le niveau de service que nous proposons. Certains clients ne viennent même pas à la boutique, ils se font livrer les vêtements directement chez eux. Ça leur donne le temps de faire leur sélection et de renvoyer les pièces dont ils ne veulent pas.
Comment envisagez-vous les 40 années à venir pour la Maison Degand ?
J’aurai 70 ans cette année, et je voudrais rencontrer un investisseur qui comprendrait ma philosophie et pourrait éventuellement reprendre mon activité. Je voudrais que cette personne soit plus jeune et partage mes valeurs. Il reste tant de projets que je voudrais finaliser, comme notre restaurant. La Maison Degand, c’est un style de vie à part entière, ce qui ne se limite pas à l’habillement, finalement.