Comme chaque année, notre équipe a attribué un Prix Presse à des étudiants tout juste diplômés de deux écoles de mode liégeoises: HELMo Mode et IFAPME Château Massart. L’occasion d’encourager la nouvelle génération de stylistes à envisager la suite de son parcours avec confiance. Nous avons ainsi récompensé Tatiana Bifouri (IFAPME) et Léo Jennes (HELMo Mode), deux stylistes fraichement diplômés qui ont livré des collections très engagées, en phase avec les questionnements de notre époque. Les deux lauréats de notre Prix sont également nominés pour les Belgian Fashion Awards 2024 dans la catégorie « Most promising graduate of the year ».
Tatiana Bifouri: effets de manches
Engagée, mais surtout très personnelle, sa collection est un hommage à la femme et à la place qu’elle occupe dans la société. Inspirée de recherches historiques, de sa propre expérience et notamment des difficultés qu’elle a rencontrées au moment de changer de carrière professionnelle, cette série de silhouettes incarnent parfaitement sa vision d’une femme-guerrière, mais aussi vulnérable tout en abordant des questions de genre et d’identité. Proposée dans une approche universelle, cette thématique a donné lieu à une collection à l’approche très couture dont chaque pièce est réalisée sur base de matières recyclées ou de tissus dormants (de la Maison belge Christian Wijnants, principalement). En quête de futurs partenariats avec des stylistes, marques et artistes belges ou internationaux, Tatiana Bifouri souhaite désormais se révéler en tant que créatrice d’histoires qui mêlent réflexion durable et métissage culturel.
Sur base d’une palette neutre, (noir, écru, marine, mastic…) qui souligne son propos, la styliste a élaboré trois concepts (le portage, la femme multifonctions et la libération) qu’elle a déclinés en une série de vêtements aux coupes affirmées. Pour symboliser la multiplicité des rôles endossés par les femmes, elle a retravaillé le patronage de la manche. Démultipliée sur les différents éléments de la collection, elle s’invite dans le dos d’une veste en coton enduit ou sur une ceinture. Habilement revisité, le trench-coat est composé d’un col qui se transforme en grandes manches cocon, symboles de réconfort et de protection. Quant à la silhouette symbolisant le portage, elle prend la forme d’une robe en soie transparente blanche sur laquelle se pose un drapé sculptural en tissu solidifié.
Léo Jennes : un autre regard sur le star system
A tout juste 21 ans, Léo Jennes (qui a choisi Archambeau, le nom de sa maman, pour son projet) s’est intéressé à la carrière du peintre Basquiat. Invité à réfléchir à la notion de star-system, le jeune diplômé d’HELMo Mode propose une lecture nuancée de cette thématique en explorant les paradoxes qui y sont liés. Baptisée « La Royauté, l’Héroïsme et la Rue » (un clin d’œil à la réponse de Basquiat à son ami, le collectionneur Harry Geldzahler, qui l’interrogeait sur le ressort essentiel de son art), cette collection repose entièrement sur la matière. Vient ensuite la coupe, envisagée comme un détail au cœur d’une partition frondeuse et sans concession.
Fasciné par le paradoxe inhérent au personnage de Basquiat, à la fois idole et martyr, Léo Jennes l’a transposé en évoquant le personnage de Louis XVI. Inspirée de celle que le Roi de France portait le jour de sa décapitation, une chemise blanche en voile transparent rehaussée du message « King Pleasure » peint à la rouille sur le dos du vêtement, réaffirme le goût appuyé du jeune styliste pour les inspirations multiples et les détournements. Entièrement réalisée à partir d’anciens vêtements de training, la robe s’inspire d’un modèle classique à la française ; un autre joli clin d’œil à Basquiat, électron libre, passé de street artist underground à « roi de la peinture ». La veste qui accompagne la robe (dont le bas est bardé d’étiquettes de vêtements) égratigne l’image de l’artiste considéré comme intouchable, mais dont les œuvres figurent désormais sur des pièces issues de la fast fashion.