En 2024, l’industrie de la mode semble dominée par deux extrêmes. D’un côté, les groupes de luxe continuent de s’imposer et d’accroître leur influence, augmentant ainsi leurs bénéfices et leur présence à l’échelle mondiale. De l’autre, la fast fashion ne cesse de croître, malgré une prise de conscience tangible des consommateurs concernant les enjeux éthiques, environnementaux et de durabilité.
Cela laisse peu de place aux marques de mode milieu de gamme, qui offrent la qualité à prix abordable. En Belgique, Rue Blanche est l’une de ces marques. Malgré sa création en 1987 par Marie-Chantal Regout, la marque a réussi à garder sa pertinence au fil du temps et, contre toute attente, s’est bien portée pendant la pandémie grâce à ses ventes en ligne.
En 2017, Aude et Astrid Regout ont décidé de reprendre les rênes de l’entreprise familiale, y apportant leur propre expertise. Aude Regout est responsable du design et de l’image, tandis que sa sœur, Astrid, se concentre sur le développement et la stratégie commerciale. Rue Blanche est reconnue pour ses collections élégantes, urbaines et empreintes de minimalisme. Nous avons rencontré Aude Regout pour discuter de l’évolution de la marque, de son point de vue sur les ventes internationales et des raisons pour lesquelles elle pense que Rue Blanche séduit plusieurs générations de femmes actives.
Pourquoi avez-vous décidé de vous impliquer dans Rue Blanche ?
Ma mère a fondé la marque seule et était extrêmement créative. Au fil du temps, elle s’est fatiguée des aspects commerciaux et nous en a parlé ouvertement. Ni Astrid ni moi n’avions l’intention de travailler dans la mode, mais nous avions des compétences qui pouvaient être bénéfiques pour la marque. Ma sœur est davantage orientée vers les affaires, tandis que j’ai un parcours en communication et en marketing. Nous avons décidé de nous associer pour apporter une nouvelle vision à la marque.
Quel âge aviez-vous ?
J’avais 27 ans et Astrid en avait 28.
Comment Rue Blanche a-t-elle fait face à la pandémie ?
À ce moment-là, nous étions en difficulté, et en quête d’investisseurs avant même le début de la pandémie. Étonnamment, lorsque la pandémie a touché la Belgique, nous avons réussi à obtenir des fonds, ce qui nous a aidés à développer nos ventes en ligne et à l’international. Nous avons même augmenté notre chiffre d’affaires durant cette période, ce qui nous a en quelque sorte sauvés.
Quelle clientèle Rue Blanche vise-t-elle ?
Notre marque s’adresse à des femmes dont l’âge varie de 25 à 75 ans. C’est une clientèle très éclectique et diversifiée, mais de nombreuses clientes sont des femmes qui travaillent et qui s’intéressent à leur style, tout en évitant de ressembler à des fashion victimes. Elles sont sensibles à la qualité, se soucient de la façon et du lieu de fabrication des vêtements. Nous travaillons principalement avec des tissus italiens et japonais.
Je me souviens que Rue Blanche était présente en Asie, en particulier au Japon. Quelle est la situation actuelle sur ces marchés ?
Nous enregistrions de très bonnes ventes au Japon, mais le marché est beaucoup plus difficile maintenant, et les boutiques indépendantes sont prudentes lorsqu’il s’agit d’acheter de nouvelles marques. J’imagine que les fluctuations récentes du yen n’aident pas non plus. En Europe, nous nous en sortons bien et envisageons même d’ouvrir un magasin aux Pays-Bas. Nous aimerions nous concentrer sur les États-Unis et y développer nos ventes, car nous y voyons un véritable potentiel pour la marque. Dernièrement, nous avons travaillé sur notre image et avons engagé la photographe Merel Hart, basée à Bruxelles, pour réaliser nos campagnes. Nous sommes conscients que l’image et le storytelling sont des éléments clés pour attirer des clients internationaux.
Je pense que peu de marques comme Rue Blanche proposent des pièces intemporelles, stylées, mais aussi de qualité à prix abordables.
C’est vrai. Nous accordons de l’importance aux prix, mais la qualité reste notre priorité absolue. La Belgique demeure notre marché principal où nous disposons d’une clientèle assez fidèle. Cependant, je ne suis pas certaine que nos clients perçoivent Rue Blanche comme une marque de mode et soient prêts à payer plus pour des pièces exclusives. Nous pourrions éventuellement tester quelques collections capsules et voir ce qu’il en ressort. Les consommateurs belges sont parfois difficiles à satisfaire, car ils sont souvent réticents aux changements. Toutefois, à terme, nous voulons nous développer à l’international et collaborer avec les boutiques les plus prestigieuses.
De toute façon, vous ne pouvez pas satisfaire tout le monde.
Exactement. Cela fait près de 40 ans que nous sommes présents sur le marché, ce qui nous confère une certaine crédibilité. Je pense que c’est l’un de nos meilleurs atouts, et rares sont les marques qui font ce que nous faisons actuellement. Je suis plutôt confiante, et pleine d’espoir, pour l’avenir de Rue Blanche.