Il y a quelques mois, cette styliste diplômée de La Cambre Mode(s) a lancé une marque durable et éthique qui lui ressemble en tous points. A la fin de l’année dernière, contrainte de changer de nom, elle a dû se réinventer en douceur et sans tourner le dos aux valeurs qu’elle défend.
Votre marque vient de naître mais vient de changer de nom. Pourquoi ?
Je suis tombée dans une faille du système de dépôt des marques. Il y a un an, quand j’ai déposé mon nom et mon logo pour le Benelux, un autre label a déposé un nom très proche pour l’Europe juste avant moi. Compte tenu du délai de validation, aucun des deux n’apparaissait encore dans le registre. J’aurais pu me battre pour garder mon nom, mais je n’en voyais pas l’intérêt… D’autant que ce n’est pas mon produit qui est remis en question. J’ai donc décidé de tout changer et de repartir presque à zéro avec un nouveau nom : Sé-em by Charlotte Mounzer.
Un défi de reconstruction d’autant plus grand que votre projet est extrêmement étudié. Quels en sont les fondements?
En 2019, si on se lance dans un projet d’une nouvelle marque de mode, il est logique de le faire dans une approche transparente et écologique. Ce changement de nom m’a permis de faire un premier bilan et de redémarrer avec encore plus de force et d’expérience. La qualité et le processus de création restent en accord avec ce que j’ai fait depuis le début de ma carrière.
Comment expliquez-vous que votre marque soit intimement liée à vos débuts dans la mode ?
À l’issue de La Cambre Mode(s), j’ai travaillé pour de grands noms du luxe à Paris : une expérience incroyable. J’ai énormément appris mais j’ai pu aussi observer à quel point ces maisons manquaient de conscience écologique. Dans le luxe, quand on crée une collection, le studio commande toujours beaucoup plus de tissu que nécessaire. Certains rouleaux ne sont donc jamais utilisés. Puisque j’étais à la source des achats, j’ai eu la possibilité d’en racheter des dizaines. De retour à Bruxelles, j’ai décidé de lancer une marque composée de pièces en éditions limitées produites sur base de ces tissus laissés pour compte. Mon but est de rendre le luxe accessible et de prouver qu’il est possible de créer de belles pièces, en petites quantités, de façon responsable et à des prix raisonnables.
D’emblée, vous avez choisi un mode de distribution atypique. Comment justifiez-vous ce choix ?
Je distribue mes collections lors de ventes éphémères de 3 ou 4 jours à Bruxelles, Liège ou Paris. J’ai conçu ma boutique en ligne comme une vitrine, plutôt que comme un lieu de vente. On peut y faire son shopping, mais ce n’est pas ce mode de fonctionnement que je privilégie. Je reçois aussi mes clientes dans mon studio à Ixelles lors de rendez-vous privés. Cela me permet de prendre le temps et de construire une relation privilégiée avec elles, de mieux les connaître et de leur proposer une retouche si nécessaire. Compte tenu du petit nombre de pièces par modèle, il me serait impossible d’être présente dans des dizaines de multimarques. Ce n’est d’ailleurs pas mon but. Dans le futur, j’aimerais toutefois vendre mes collections dans quelques boutiques pour lesquelles je proposerais des capsules exclusives.
Dernièrement, vous avez organisé une vente à Paris. L’exportation est-elle un élément clé de votre stratégie ?
Non, dans la mesure où je privilégie la qualité, plutôt que la quantité. Le principe de pop-up est porteur, mais il me prend énormément de temps et d’énergie. Paris était une étape importante à mes yeux car j’y ai vécu et travaillé. Y revenir un an après être partie était un accomplissement, une façon de montrer à mes anciennes collègues ce que j’avais réalisé depuis le démarrage de mon entreprise.
Quels sont vos futurs projets, tant en termes de création, que de stratégie commerciale ?
2019 était l’année du lancement de la marque. 2020 sera décisive. D’abord parce qu’elle coïncidera avec notre nouvelle identité et aussi parce que notre prochaine collection comportera de nombreux nouveaux modèles. Je lancerai aussi les premières pièces pour homme ce qui deviendra, à terme, une ligne à part entière. Autant de défis que j’ai hâte de relever. C’est un peu stressant, c’est vrai, mais ce flux d’adrénaline est inhérent à la vie d’entrepreneur. Et cette vie-là, c’est celle que j’ai choisie. »