Consultante mode, spécialisée dans le global business development au sein de son agence parisienne fondée il y a 10 ans, cette élégante entrepreneuse, riche d’une longue expérience dans le secteur du retail, conseille ceux qui souhaitent donner une dimension internationale à leur projet mode
Vous avez fait vos armes dans le secteur des salons professionnels qui, ces dernières années, ont perdu de leur superbe. Pour durer dans la mode, qu’on soit créateur ou consultant, il faut pouvoir se réinventer ?
Déjà avant la crise, c’était une nécessité. Ça l’est encore plus aujourd’hui. Pour durer, il faut pouvoir analyser le marché et s’adapter en permanence. Désormais, les marques doivent, plus que jamais, s’intéresser au consommateur final. C’est lui qui surfe sur les réseaux sociaux et guide les acheteurs dans leur choix. Déjà avant la crise du Covid, les salons ont été confrontés à une profonde mutation. L’offre des marques peinait à se renouveler. Les acheteurs se sont donc tournés vers les showrooms privés où l’offre était plus niche et plus ciblée. Les marques ont, quant à elles, dû se réinventer en se tournant vers le local, mais aussi en investissant dans leur propre stratégie digitale. Il y a un an, au début de la crise, j’ai pris le contre-pied des tendances en créant, en partenariat avec une structure physique existante, Precious Rooms, un showroom virtuel. Une manière pour les marques que je soutiens de conserver, malgré le confinement et l’impossibilité de voyager, une vitrine internationale
Le point de départ de votre carrière, c’est votre amour de la mode. Comment s’est-il manifesté ?
Ma passion pour le vêtement remonte à l’enfance. J’ai quitté le sud de la France pour faire mes études à Paris. J’ai ensuite collaboré avec des maisons comme Jean-Paul Gaultier et Jean-Charles de Castelbajac avant de travailler pour de grands salons parisiens. Aujourd’hui, à 50 ans, ce qui m’anime, c’est la création. Je suis très fière d’avoir pu lancer de jeunes marques en les invitant sur des salons parisiens. Jusqu’en 2011, c’était possible. Aujourd’hui, par chance, on peut à nouveau observer de belles initiatives visant à aider les jeunes créateurs à se faire un réseau, tant sur leur marché qu’à l’international.
Malgré les bouleversements énormes que connait le secteur, continuez-vous à aimer autant la mode ?
Plus que jamais. Si je respecte les maisons de luxe, je préfère dénicher de nouveaux talents et les révéler. Parmi mes clients, on trouve autant de marques établies que de jeunes créateurs. Aujourd’hui, le consommateur final est en quête de produits personnalisés. Or, quoi de plus personnel et identitaire qu’une pièce d’un jeune designer ? Depuis la crise du Covid, les gens veulent savoir qui se cache derrière une marque. La notion d’éthique est plus importante que jamais. Cette tendance est aussi visible du côté des acheteurs. Certains tombent sous le charme d’une marque pour son concept, les valeurs qu’elle défend, mais aussi, c’est indéniable, pour l’image qu’elle véhicule sur Instagram. Et ça, les marques doivent en être conscientes.
Vous suivez tant les marques établies que les créateurs émergents. Dans les deux cas, n’assiste-t-on pas à une uniformisation du discours mode due à l’envie de ces labels de vendre partout dans le monde ?
C’est évidemment un grand dilemme. Pour avoir une chance à l’international, les marques doivent adapter leurs collections aux marchés qu’elles visent. Mais ce qui me semble plus fondamental encore, c’est de pouvoir se reposer sur un storytelling qui tienne la route. Aujourd’hui, une marque qui ne propose pas de produit parfaitement identifiable n’a plus de raison d’être. L’idée n’est pas forcément de proposer de grandes collections. Ce qui est important, c’est de construire un concept fort qui repose sur des valeurs qui le sont aussi. Si, en plus, la marque dispose d’une plateforme de vente digitale, elle va non seulement pouvoir se construire une communauté de clients, mais aussi séduire les boutiques internationales. Aujourd’hui, plus aucun acheteur américain ne va prendre le risque de miser sur une marque sans vérifier qu’elle a déjà une présence forte dans son propre pays et que les valeurs et les messages qu’elle véhicule sont susceptibles de toucher le cœur des gens.
Parlons des marques qui souhaitent opérer un tournant à l’international. Quel est le principal obstacle auquel elles doivent faire face ?
Le tsunami digital leur a permis de se faire une place à l’international, mais il nous a aussi noyés sous une tonne d’infos et d’images. Aujourd’hui, la difficulté consiste à trouver les bons partenaires susceptibles de les défendre à l’international, tout en continuant à interagir avec leur propre communauté, à analyser l’environnement concurrentiel sur chaque marché et à s’assurer que le positionnement prix de la marque est le bon. Ne nous voilons pas la face : pour un label émergent, mener tout ça de front est très difficile.
Il y a un an encore, vos missions étaient placées sous le signe des voyages aux quatre coins du monde. Comment les envisagez-vous aujourd’hui ?
Après 15 ans de voyages incessants, j’avoue que m’arrêter d’un coup a été un choc. Alors, une fois de plus, je me suis réinventée. J’ai organisé des Instagram Live pour permettre aux créateurs de se nourrir de l’expérience d’experts dans le secteur de l’achat et du retail. Dans le cadre de mes sessions de Live Streaming Shopping, j’ai aussi fait découvrir des marques de bijoux en me rendant directement dans les magasins. Cette manière de communiquer était nouvelle pour moi, mais elle m’a permis de continuer à soutenir mes clients et à conserver cette dimension humaine qui me tient particulièrement à cœur.
Vous avez coaché de jeunes créateurs belges. Quel regard portez-vous sur la création en Wallonie et à Bruxelles ?
La force de la Belgique, c’est le caractère très identitaire de vos marques. Une identité empreinte des codes de vos écoles. J’ai souvent été surprise par les concepts qui naissent en Belgique. Au risque de choquer, les créateurs belges prennent des risques. L’effet « waw » est souvent présent et les messages particulièrement percutants. Je pense notamment à Snobe. Au travers du concept Mourir d’Amour, la marque s’est réinventée en se rapprochant de sa consommatrice. Je suis également très fière d’avoir contribué à faire entrer le label Imprévu au Bon Marché à Paris dans le cadre de l’expo « Il était une fois la Belgique ».