Un temps, il a fait partie d’Atelier A1, un collectif de designers basé à Bruxelles. Depuis 2004, Sylvain Willenz est à la tête de son propre studio. Collaborateur régulier de nombreuses marques en Italie, aux États-Unis ou en Corée, il multiplie les projets inspirants. Portrait d’un talent international au réseau XXL.
En 2004, vous avez fondé votre studio. 5 ans plus tard, vous receviez le titre de Designer de l’année. Depuis vos débuts, il a beaucoup changé le secteur du design, non ?
Oui, c’est évident. Je pense notamment au digital qui a donné une dimension résolument internationale au secteur. Mais en marge de ces changements, mon approche personnelle du métier a également évolué. A mes débuts, je revendiquais un côté touche-à-tout. Je prenais un plaisir fou à expérimenter en me frottant sans cesse à de nouvelles matières et en créant des objets divers comme des seaux en plastique ou des lampes de poche. Puis, petit à petit, je me suis concentré sur ce qui m’anime vraiment : la création de mobilier et de luminaires. De manière plus générale, je dirais que le secteur du design a pu bénéficier des nouvelles technologies de communication. Pour ma part, je collabore étroitement avec une marque américaine. Nous ne devons pas souvent nous rencontrer, mais nous pouvons dialoguer par voie digitale et construire de beaux projets. J’observe aussi comment des sociétés américaines rachètent des marques européennes pour pouvoir distribuer leurs produits de l’autre côté de l’Atlantique. Ce mélange dans lequel je m’inscris pleinement me ravit. D’autant que cette approche a rendu le design plus éclectique et international, dans le bon sens du terme.
Créer un canapé, une table ou une chaise, c’est un sacré challenge. Ces pièces sont totalement ancrées dans l’inconscient collectif. Elles répondent à des codes et, en même temps, votre rôle consiste à les réinventer. Comment envisagez-vous ce travail ?
Certaines personnes continuent de penser qu’inventer une énième chaise est inutile. Ce n’est pas mon avis. J’envisage ce travail comme une recherche scientifique. Les techniques évoluent sans cesse. Les besoins des gens aussi. J’accorde également une grande importance au référencement historique qui permet de contextualiser ma démarche d’innovation. Prenez la chaise Upon que nous venons de créer pour l’éditeur italien Zilio A&C. Linéaire et empilable, elle est conçue dans une idée de légèreté et s’inscrit dans la tendance actuelle du design de collectivité. Grâce à un système très novateur, le dossier organique semble tenir au cadre de la chaise comme par magie.
Votre style est pur, élégant et parfaitement identifiable. A une époque où le succès d’un produit doit être immédiat, conserver une signature propre tout en séduisant des éditeurs internationaux est une gageure.
Je cherche à créer des objets simples, élégants, mais aussi innovants. L’idée, c’est de concevoir des pièces qu’on remarque, mais qui conservent une douceur et une belle intemporalité. Même quand un objet est totalement nouveau, j’aime créer l’illusion de « déjà vu », comme si les gens le connaissaient déjà. Dans ce monde d’hyperconsommation qui est le nôtre, je pense que tout designer rêve d’imaginer des classiques ou tout au moins de futurs classiques qui vont plaire au public et permettre aux studios de création, mais aussi aux artisans ou aux ateliers de production d’en vivre pendant de nombreuses années.
Vous êtes né en Belgique, puis vous avez étudié au Royal College of art de Londres avant d’ouvrir votre studio à Bruxelles. Fort de cette expérience internationale, quel regard portez-vous sur le design belge aujourd’hui ?
Je me suis toujours considéré comme un outsider. Rien ne me procure autant de plaisir que le fait de voyager, de passer du temps sur des salons, de dialoguer avec des éditeurs, d’amorcer de futures collaborations… J’ai du mal à définir un design belge ou bruxellois. Ce qui me semble plus intéressant, c’est de noter le positionnement de la capitale, à proximité de Paris, Cologne, Amsterdam et même Milan. Cette localisation idéale est un vrai moteur.
Vous avez fait partie d’Atelier A1 aux côtés de Marina Bautier, Elric Petit, Benoît Deneufbourg, Nathalie Dewez et Diane Steverlynck. Croyez-vous en la force du collectif pour se construire un bon réseau ?
Lorsqu’on démarre une carrière de designer, partager un toit et des idées avec d’autres est une chance.
Vous avez développé une boutique en ligne. Une autre manière d’envisager le métier ?
Nous l’avons lancée en 2011, un peu par hasard. A l’époque, mon style était visiblement déjà suffisamment identifiable pour que des particuliers nous contactent directement, convaincus que nous étions une marque à part entière. Au final, ce projet m’a non seulement été profitable d’un point de vue commercial, mais aussi sur le plan humain puisqu’il m’a permis de tisser des liens avec des architectes. Mon souhait est de proposer un design précis et pas élitiste. Sur mon site, on peut trouver des objets à moins de 20 euros.
Parmi vos projets actuels, quels sont ceux qui vous passionnent le plus ?
Je viens de collaborer sur un projet de cuisine pour une marque coréenne. Je suis également sur le point de lancer une série de tables basses pour une marque danoise de premier plan. Depuis quelques mois, j’accompagne également une entreprise belge – à l’origine, des ensembliers – qui se tourne désormais vers l’édition de mobilier. Et puis, il y a mon projet personnel autour de la céramique ; une sorte de récréation qui m’a déjà permis d’envoyer certaines pièces à l’autre bout du monde. Un signe d’ouverture : un de plus.